J’adore faire la vaisselle. Tremper mes mains dans l’eau, sentir sa chaleur, frotter la sauce au fond de l’assiette… m’installe dans un état de calme suspendu, une transe du quotidien légère et paisible. Quand j’étais petit, mes parents avaient instauré un rituel très simple qu’ils tenaient de ma grand-mère. Chaque jour après le repas, un des enfants restait avec l’un d’eux à faire la vaisselle. Laver ou essuyer. Au choix. Plus tard, ils m’avoueront que ce rituel était une astuce passer un moment privilégié avec un de leur enfant. Pour parler de tout et de rien. Raconter une histoire. Une causerie des petites choses de la vie et du quotidien. Alors au milieu des torchons propres et de la mousse dans l’évier, les mots venaient. Pourquoi c’est toujours compliqué les énoncés de mathématique ? Je crois que j’ai plus envie d’aller à l’aïkido. Pourquoi il y en a, ils ont plus de cheveux ? Je m’endors mal, j’ai toujours peur qu’il y ait contrôle surprise demain. Pourquoi on essuie toujours les verres en premier ? Ça veut dire quoi « Ramasse-bourrier » ? Pourquoi ça existe pas les saucisses à la fraise ?
Comme si nos mains occupées à ranger les fourchettes, laissaient la place à tout le reste. Une banale tâche du quotidien et tout devenait plus vaste. Mon horizon se dépliait, l’écoute se faisait sourire, les apprentissages se faufilaient et les problèmes s’évaporaient comme les gouttes sur le dos des petites cuillères. Mes ateliers, c’est un peu ça, simplement, on n’y fait pas la vaisselle.